Les mercenaires russes du groupe Wagner sont arrivés au Mali. C’est le gouvernement français lui-même qui l’a annoncé, publiant en cette veille de Noël un communiqué signé par une quinzaine de pays européens partenaires de l’opération anti-djihadiste au Sahel (Italie, Estonie, République tchèque, Roumanie, Suède, Danemark, Belgique, Portugal, etc.), condamnant fermement le déploiement de cette société militaire privée proche du Kremlin.
Déploiement ? « Nous avons constaté sur place, à l’aéroport de Bamako, des rotations aériennes répétées impliquant des avions de transport de troupes de l’armée russe, la construction d’un camp militaire destiné à accueillir un contingent significatif de mercenaires, des visites fréquentes de cadres de Wagner », indique une source gouvernementale. Preuve de ce débarquement en force imminent, les renseignements sur place ont noté « des commandes massives de nourriture ». Ce déploiement à la fois annoncé et redouté depuis plusieurs semaines s’est donc accéléré, et a probablement pesé dans la récente annulation — officiellement pour raisons sanitaires — de la visite d’Emmanuel Macron au Mali.
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Cette source évoque aussi « des activités au Mali de géologues russes connus pour leur proximité avec Wagner ». Un détail significatif, car le Mali, l’un des pays les plus pauvres du monde, possède néanmoins des mines d’or. La junte au pouvoir à Bamako négocierait-elle des cessions de concessions afin de rétribuer la milice, dont les « services » sont évalués à quelque dix millions de dollars ? « No comment », élude-t-on. Mais Wagner, composé en large part d’anciens militaires de l’armée russe et dirigé par un ancien cuisinier personnel de Vladimir Poutine, est en effet réputé pour mettre en coupe réglée les pays où le groupe est installé, comme la Centrafrique.
Pas question de replier Barkhane plus vite que le calendrier prévu
Concrètement, que peuvent faire la France et ses partenaires ? Sur le fond, en dehors de la dénonciation de l’implication du gouvernement russe dans l’opération Wagner, le communiqué n’apporte rien de vraiment nouveau. Ses termes paraissent même en retrait par rapport aux menaces implicites brandies naguère par le patron du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, qui désignait un déploiement « incompatible » avec la présence de la force Barkhane et ses alliés. Que se passerait-il par exemple si des éléments de la coalition anti-djihadiste se retrouvaient sur le terrain au contact des mercenaires russes ? La question est encore plus sensible pour ce qui concerne la force spéciale européenne Takuba, qui englobe des soldats de pays de l’Est (Estoniens, Tchèques, Hongrois bientôt) n’ayant « aucune envie de se coltiner les Russes en Afrique après les avoir supportés en Europe », comme le confie en privé un gradé.
Pour l’heure, Paris n’a pas de réponse précise. Un proche du dossier fait valoir que la mission de Wagner devrait consister bien davantage à aider le colonel Assimi Goïta et ses sbires à se maintenir au pouvoir qu’à assurer la sécurité de la population malienne contre les terroristes. Pour l’instant, en tout cas, il n’est pas question de replier Barkhane plus vite que le calendrier prévu (de 5000 hommes aujourd’hui à 2500-3000 d’ici 2023). Le communiqué conjoint réaffirme au contraire « l’engagement et la détermination des partenaires à poursuivre le combat contre les groupes armés terroristes ». Les Européens, comme les voisins du Mali de la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest) font pression sur la junte pour organiser comme promis la transition démocratique. Mais les élections prévues en février prochain semblent pour l’heure chimériques